Transmission héréditaire : plus que le B.A. ba

Deux articles écrits pour l’A.F.A.R. par mes soins, je les ai mis tous les deux ici car ils concernent le même sujet : la transmission héréditaires de facteurs autres que physiques.

1 -Transmission héréditaire chez les rongeurs

Lorsque l’on planifie une portée, il va de soi que nous disposons d’une liste de facteurs primordiaux à prendre en compte, tels que les couleurs des parents, les gènes qu’ils portent, la santé, l’âge, le caractère, et pour certains le type. Ces facteurs sont évidemment la base nécessaire, mais ils ne sont pas les seuls à surveiller.

1. Physique des parents au moment de la saillie.

Il est de plus en plus souvent noté que le physique des deux parents au moment où la saillie a lieu a un impact sur le physique général des jeunes. Chez le hamster angora et le rat rex par exemple, il est préférable de faire la saillie lorsque le poil est beau et long. Le rex ayant tendance à se dépoilé, on préfèrera qu’il soit bien touffu au moment de la saillie. Il en va de même pour une couleur qui aurait tendance à bouger beaucoup.

2. Poids et taille.

On aborde ici un chapitre important. D’une part, la taille est déterminée en partie par des facteurs génétiques (deux animaux de grande taille donneront des bébés de grande taille), mais également par l’aspect à la saillie. Un animal mis en saillie trop jeune donnera des bébés plus petits, puisque l’animal n’aura pas encore atteint sa taille adulte. De plus, il existe également bon nombre d’animaux assez petits mais dont le bagage génétique inclut une taille plus grande. Ces « petits » animaux peuvent quant à eux donner naissance à des animaux plus grands qu’eux. C’est notamment le cas des animaux qui naissent dans les derniers d’une portée. Ces animaux sont en général les plus petits, mais si les parents sont de grand gabarit, ils « portent » le grand gabarit dans leurs gènes. Ceci dit, pour un élevage correct, on privilégiera toujours les grands animaux plutôt que de miser sur une supposition.

Le poids des animaux reproducteurs est important. La femelle ne doit pas être trop grosse pour des raisons de santé évidentes : une femelle obèse aura du mal à mettre bas, il faut la plupart du temps pratiquer une césarienne. La tendance à l’obésité est transmise génétiquement, il faut donc éviter de reproduire des animaux ayant cette tendance (on notera que pour les souris Yellow, c’est le gène de couleur qui donne cette tendance, il faudra donc bien sélectionner ses lignées pour éviter tout problème). Le poids des reproducteurs au moment de la saillie est très important également. Faire saillir des animaux trop gros provoquera des problèmes de santé chez les jeunes (intolérance au glucose, tendance à l’hypoglycémie). On savait déjà que le poids de la femelle avait une influence sur les bébés, hors de récentes études ont démontré que le poids du mâle influait également sur la santé des bébés, notamment par cette intolérance au glucose chez les jeunes nés d’un père obèse).

3. Caractère

La transmission du caractère est une matière compliquée. Nous savons maintenant que l’agressivité peut être transmise de manière héréditaire chez les jeunes, ainsi que l’agressivité hormonale, l’agressivité territoriale et la peur de l’homme. Cependant, la transmission ne jouerait que pour ¼ environ. Les ¾ restants sont dus à des facteurs extérieurs que l’on peut facilement contourner avec une manipulation régulière des bébés, une acclimatation aux manipulations difficiles (examen de l’animal, manipulation dans la cage, etc) et des contacts fréquents avec d’autres animaux pour les espèces grégaires. Avant de retirer un animal « agressif » de la reproduction, il est bon de trouver les causes de l’agressivité (dans quelles circonstances ? A quelle fréquence ? Les parents /frères/sœurs sont-ils agressifs ?) et de voir si ces causes sont éliminatoires ou non. J’ai personnellement reproduit plusieurs fois des animaux territoriaux, et je n’ai eu aucun problème avec les jeunes que je manipulais beaucoup et qui ont été séparés de la mère au premier jour du sevrage, pour éviter le mauvais exemple. C’est un point important lorsque l’on acclimate des jeunes rongeurs, ils prennent toujours exemple sur les autres. Les espèces grégaires seront donc mises en contact d’animaux particulièrement calmes et attachés à l’homme, les espèces solitaires seront énormément manipulées. Il va de soi que si les grands-parents présentent déjà des signes d’agressivité, il semble un peu dérisoire de croire que les bébés ne seront pas agressifs.

4. Age

Il existe de nombreuses sources pour avoir l’âge « idéal » pour les saillies. Ces sources se contredisent beaucoup et chaque éleveur aura sa propre manière de procéder. L’important est de vérifier l’aspect de l’animal.

Pour les femelles :

L’âge minimal se situe de toute façon après les changements entre le « bébé » et « l’adulte ». Un animal peut souvent reproduire plus jeune que ce changement, tout comme nous, humains, mais il est préférable d’attendre que le corps soit bien formé pour que ni la mère, ni les bébés n’aient de problème. L’âge maximal se situera un peu avant ce que nous appelons la ménopause, âge où la femelle devient stérile. Juste avant, le nombre de bébé par portée va fortement diminuer, ainsi que la « qualité » des bébés (souvent plus petits, moins résistants, etc.). Il faut donc organiser les saillies dans les meilleurs mois (années, pour certains rongeurs) ni trop jeune, ni trop vieux.

Pour les mâles :

L’âge minimal pourrait se situer dès l’arrivée des hormones, mais pour les raisons précitées, il vaut mieux attendre que l’animal ait un physique adéquat (et donc, sa taille adulte). L’âge maximal sera un peu plus tard en général que les femelles, mais pas trop, parce que la qualité des spermatozoïdes diminue fortement avec l’âge (et donc, comme pour les femelles, vous aurez des bébés trop faibles, trop petits). L’idéal est de regarder la masse corporelle des animaux. On ne peut pas dire : un hamster de 2 ans est trop vieux pour reproduire. En général, oui. Mais si l’animal n’a pas perdu de sa masse musculaire, alors c’est qu’aucun signe de vieillesse n’est encore apparu et qu’il va vivre encore au moins 6 mois, sauf maladie. Et donc, il peut encore reproduire ! Bien observer le poids et la masse musculaire de ses animaux sera d’une grande aide pour les saillies.

5. Et le reste

En dehors de ces facteurs, il faut évidemment veiller à ce que l’animal ne soit pas malade, et que la lignée ne souffre pas des maladies transmissibles génétiquement (certaines tumeurs, diabète, etc). Une femelle qui n’aurait pas accepté une première portée dans des bonnes conditions (cannibalisme, aucun intérêt pour les bébés etc.) devra être retirée de la reproduction. Il faut toujours attendre que d’éventuels problèmes passagers (prise de poids importante, coup de froid, stress) soient loin derrière vous pour envisager de reproduire l’animal.

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2- [épi-génétique] De l’importance de l’environnement lors de la reproduction

On sait a présent que le choix des parents lorsque l’on fait de l’élevage se révèle très important, que ce soit pour la mère comme pour le père. Cà et là, on a également parlé de l’importance de points plus “extérieurs” des parents en eux-mêmes (indépendamment de la lignée, comme par exemple le caractère des parents, la bonne forme physique au moment de la mise en couple, etc.). Je souhaite aujourd’hui m’attarder sur ces points extérieurs.

=> A lire aussi : transmission héréditaire chez les rongeurs

On sait que le physique des parents un peu avant et au moment de l’accouplement peut jouer un rôle sur la progéniture. On sait également que le caractère des parents se transmet de manière partiellement génétique (et l’autre partie est acquise après la naissance). Ce sont des points qu’il ne faut jamais négliger. Cependant, l’environnement dans lequel évoluent les deux parents va également influencer les futures générations.

Diverses expériences sont mises en œuvre (ont été – et le sont encore) pour tester la portée des changements épigénétiques. L’épigénétique, ce sont les informations complémentaires à l’ADN en lui-même et qui sont transmises en même temps, qui définissent comment les gènes vont être utilisés par une cellule, ou s’ils ne vont pas être utilisés du tout – pour faire simple, cela peut dire à des gènes présents de devenir “invisibles”. Les expériences menées ne portent pas sur tous les facteurs environnementaux, jusqu’à présent elles se concentrent surtout sur les problèmes psychologiques.

L’étude que j’ai lue et qui m’a menée à faire cet article portait sur la transmission de la peur. Les souris qui apprenaient à associer une odeur à la douleur (et donc en venaient à une démonstration de peur quand elles sentaient l’odeur en question) transmettent cette démonstration à au moins deux générations (donc à leurs enfants et petits-enfants). Et ce, y compris quand les bébés sont séparés de la mère à la naissance et élevés par une autre souris, ou quand c’est le père qui y est confronté et qu’il n’a aucun contact avec sa progéniture. L’idée d’une transmission de comportement par l’éducation des parents est donc ici rejetée.

Un autre article lu récemment, traitait lui de l’importance de l’environnement pour les humains, en mettant en évidence que le stress ou les problèmes de nourriture peuvent avoir des conséquences sur le bébé, même si ces problèmes sont résolus quand l’enfant vient au monde. Ils notent par exemple qu’un stress important, comme une famine, augmenterait les risques de schizophrénie. Ils indiquent aussi que des expériences faites sur des souris prouveraient que les souris stressées en laboratoire produisent deux générations de bébés dépressifs, même s’ils ont été élevés dans un environnement sans stress.

Il y a des séries d’études en cours, les scientifiques s’interrogent sur la façon dont sont transmises ces informations. En effet, les informations épigénétiques sont normalement effacées dans les cellules qui forment le sperme ou les œufs, pour éviter des problèmes aux générations suivantes dus à l’accumulation de ces informations. Il semble cependant qu’environ 5% du génome soit résistant à la reprogrammation, laissant donc des passages pour ces informations épigénétiques. Ces régions qui seraient résistantes sont principalement associées à des problèmes de santé comme le diabète (j’en avais parlé récemment, que les parents obèses – y compris le père- pouvaient produire des individus diabétiques), l’obésité ou la schizophrénie. Il semble visiblement que le stress et la peur puissent également être passés facilement.

On retiendra donc d’avoir un environnement calme pour les parents, non seulement à la saillie mais également avant. Les jeunes doivent être introduits aux nouvelles choses progressivement (surtout si eux-aussi vont reproduire par la suite), les manipulations forcées, brutales, les réveils soudains et le stress de la promiscuité doivent être évités autant que possible. Evidemment, cela ne veut pas dire de ne pas exposer les animaux aux bruits de la vie de tous les jours, il faut qu’ils soient bien dans leurs pattes, ne pas les exposer reviendrait à leur faire subir également de gros stress en cas d’exposition involontaire (par exemple, ils doivent être habitués au bruit de l’aspirateur, …). On peut également noter que ni eau ni nourriture ne doivent manquer, puisque c’est également un facteur de modifications épigénétiques transmissibles.

Sources :
http://arstechnica.com/science/2013/12/in-mice-fear-learned-by-parents-is-transferred-to-their-offspring/
http://www.iflscience.com/health-and-medicine/scientists-unpick-how-parents-environment-can-affect-dna-future-generations

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